La bataille d’Aegitna! La Côte d’Azur, début de la conquête de la Gaule?

Côte d'Azur depuis la voie romaine de Cavillore

La bataille d’Aegitna, est-ce le début de la conquête de la Gaule ?

La bataille d’Aegitna première guerre des Gaules? La conquête de la Gaule par Rome est généralement assimilée aux campagnes de Jules César jusqu’en 52 avant JC. Tout le monde connait les batailles de Gergovie et Alésia. Beaucoup moins connue, l’emprise romaine sur le territoire actuel de la France a bel et bien commencé plus tôt et plus au sud. Cela est en effet obligatoire pour des raisons purement géographiques.

Les populations de l’époque sont rattachées aux ligures plutôt qu’aux celtes « gaulois ». La première grande bataille qui permet aux romains de prendre pied sur le sol du sud-est de la France se passe en 158 avant JC à Aegitna. L’endroit n’est pas localisé de façon certaine aujourd’hui, mais on sait qu’il s’agit d’une cité, capitale des ligures locaux avec un port. On sait que cette ville se situait entre Fréjus et l’embouchure du Var donc Nice !

La deuxième grande bataille se passe en 125 avant JC à Entremont, un oppidum juste au-dessus d’Aix en Provence.

Donc même s’il ne s’agissait pas de la Gaule à proprement parler selon les historiens, la conquête par les romains de notre territoire actuel a bien commencé près d’Antibes.

Antibes (Antipolis) en face de Nice (Nikaia)
Antibes (Antipolis) en face de Nice (Nikaia)

Les ligures près d’Antibes : Déciates & Oxybiens

Nous connaissons ces 2 peuples ligures ( Déciates & Oxybiens) de la Côte d’Azur notamment grâce aux écrits de Polybe, Strabon et Pline.

Des grecs, plus précisément des phocéens (habitants originaires de Phocée, ville grecque située sur l’actuelle côte turque près de Smyrne ou Izmir) fondent 3 comptoirs sur la côte méditerranéenne de la France actuelle : Massalia (Marseille), Antipolis (Antibes) et Nikaia (Nice) vers 600 avant JC.

Plusieurs hypothèses existent concernant la fondation du comptoir grec d’Antibes, en même temps ou 1 ou 2 siècles après la fondation de Marseille.

Alors que la cité d’Antipolis se développe, elle finit par empiéter sur les territoires des Déciates et Oxybiens – certainement pour leurs approvisionnements alimentaires. Ceux-ci entreprennent de nombreuses escarmouches avec la cité grecque, si bien qu’en  158 avant JC, les phocéens ou massaliotes font appel à l’aide romaine pour réussir à vaincre les Oxybiens et Déciates.

De nombreux oppida sur la Côte d’Azur

J’ai toujours été surpris du nombre important d’oppida sur les hauteurs de la Côte d’Azur….  Au-dessus de Vallauris, Gourdon, Saint-Vallier, Andon, Caussols, on ne compte plus les places fortes ligures !  Mais pour se protéger de qui ces hommes avaient ils construits toutes ces places fortes.

En effet les luttes entre les phocéens et les ligures ont dû durer des années….

L'Oppidum de l'Embarnier à Caussols
L’Oppidum de l’Embarnier à Caussols

La bataille d’Aegitna en -158

La politique des hommes a toujours été la même… historique d’une bataille en 3 étapes :

  • Les massaliotes convoitent le territoire des ligures sans pouvoir les battre, ils appellent à l’aide un plus fort : Rome!
  • Les romains envoient une ambassade pour étudier le terrain (pour une future bataille) ; à la provocation les ligures réagissent violement et chassent les romains; logique!
  • Les romains tenant leur prétexte organisent une expédition punitive qui va leur permettre de massacrer les ligures et s’installer de façon durable dans la région !
L'Oppidum du Mont Saint Martin au dessus de la Napoule
L’Oppidum du Mont Saint Martin au dessus de la Napoule

D’abord les massaliotes appellent les romains à l’aide, citons Polybe :

Polybe, Histoire générale, XXXIII, 6 : « Lorsque l’ambassade marseillaise était venue à Rome annoncer au sénat que Marseille était pressée par les Liguriens, on avait aussitôt fait partir comme députés Flaminius, Popilius Lénas et Lucius Papius. Ils s’étaient embarqués avec les Marseillais mêmes et s’étaient dirigés vers Aegitna, dans le pays des Oxybiens. Les Liguriens, qui savaient que les Romains étaient chargés de faire lever le siège des deux villes que nous avons dites, accoururent aussitôt afin de s’opposer au débarquement de ceux qui étaient encore dans les eaux du port, et sommèrent Flaminius, qui déjà était à terre avec ses bagages, de se retirer. Sur son refus ils se mirent à piller ses effets, attaquèrent sans pitié les esclaves et les valets qui voulurent leur résister et s’opposer au pillage et les maltraitèrent fort. Ils blessèrent même Flaminius tandis qu’il défendait ses gens, lui tuèrent deux esclaves et refoulèrent le reste des Romains sur leurs vaisseaux. Flaminius eut à peine le temps de couper les câbles et de lever l’ancre pour échapper au péril. Transporté à Marseille, il fut soigné avec la plus grande attention. Le sénat, informé de ce qui s’était passé, fit aussitôt partir un de ses consuls, Opimius Quintus avec une armée, pour faire la guerre aux Décéates et aux Oxybiens. »

 

Ensuite Polybe nous raconte la bataille elle-même :

Polybe, Histoire générale, XXXIII, 7 : « Quintus rassembla au plus vite des troupes à Plaisance, traversa les Apennins et fut bientôt arrivé chez les Oxybiens. Placé sur les bords du fleuve Aprôna, il attendit d’abord paisiblement les ennemis qu’il savait réunis et disposés à combattre. Puis il mena ses forces sous les murs d’Aigitna, où les députés romains avaient été insultés, prit la ville d’assaut, en fit les habitants esclaves et envoya dans les fers, à Rome, les auteurs du sacrilège. Cette exécution faite, il marcha au-devant de l’ennemi. Les Oxybiens, qui comprenaient que leur crime à l’égard des députés étaient sans pardon, n’écoutèrent plus qu’une ardeur insensée, et avec la fougue de gens désespérés, avant même leur jonction avec les Décéates qui étaient sous les armes au nombre d’environ quatre mille, ils coururent aux Romains. Quintus, brusquement attaqué, s’émut un instant d’une telle audace. Mais la pensée que l’ennemi n’obéissait qu’à une aveugle furie lui donna bon courage, comme à un homme qui à la pratique joignait une grande finesse naturelle. Il fit donc sortir son armée du camp et après lui avoir donné les conseils nécessaires, s’avança d’abord au petit pas, puis tout à coup, s’élançant avec rapidité, il rompit sans peine les premiers rangs des Oxybiens, en tua un grand nombre et força les autres à fuir en désordre. Les Décéates arrivèrent sur ces entrefaites pour prêter main-forte aux Oxybiens, mais trop tard : ils arrêtèrent du moins les fuyards et avec une ardeur et une énergie remarquables, se heurtèrent contre les Romains. Vaincus, ils se livrèrent, eux et leur pays,… »

La rade d'Agay depuis le sommet du Dramont
La rade d’Agay depuis le sommet du Dramont

Mais où se trouve donc Aegitna ?

En fait personne ne sait vraiment où se trouve Aegitna ! Polybe, historien contemporain des événements qui les relate vivait en Grèce. Les indications qu’il donne concernant la géographie sont très peu imprécises. Ces informations sont reprises par un autre historien grec, Strabon au 1er siècle avant notre ère… mais toujours pas précis.

Ce que l’on comprend de Polybe est que :

  • Les légions ont attendu les ligures en bordure du fleuve Apron (inconnu)
  • Qu’elles ont ensuite attaqué Aegitna la capitale des Oxybiens
  • Et que les Déciates sont arrivés ensuite en renfort.

Connaître quel est ce fleuve Apron nous aiderait…. On sait que le l’Argens et le Var étaient bien connus des romains, donc il s’agit d’un fleuve entre les 2 :

  • Les 2 plus grands sont la Siagne et le Loup
  • On a peut aussi songer à l’Agay, la Cagne ou à la Brague

Même savoir quels étaient les territoires de Oxybiens et des Déciates  est difficile… Le récit de Polybe a laissé penser que les Déciates étaient plus à l’ouest car arrivés plus tard !

On se base alors sur le récit de Pline historien romain mort à Pompei en 79 après JC. Sa description de la côte semble fiable et on en déduit que :

  • Les Oxybiens vivaient entre Fréjus et la Siagne
  • Les Déciates entre la Siagne et le Var….

L’arrivée tardive des Déciates lors de la bataille d’Aegitna est probablement due à mon avis que tous ces hommes étaient alors dans les oppida des hauteurs du pays Antibois et Grassois !

Parc de Vaugrenier entre Antibes et Cagnes sur mer, un port antique!
Parc de Vaugrenier entre Antibes et Cagnes sur mer, un port antique!

Plusieurs hypothèses concernant la localisation Aegitna :

  • Agay en raison de la rivière Agay et de la proximité phonétique
  • Mandelieu – La Napoule où une ancienne cité et un port antique ont été trouvés…. L’Apron serait alors la Siagne
  • Vaugrenier où pareillement nous avons des vestiges d’un port et d’une cité antique…. L’Apron serait alors le Loup

Personnellement, je pense que Aegitna devait se trouver à Mandelieu -La Napoule, l’endroit même où se trouve l’aérodrome!  Juste une opinion!

Oxybiens & Déciates sur la Côte d'Azur
Oxybiens & Déciates sur la Côte d’Azur

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